Le 15 novembre 2019 s’est tenue à l’hôpital Sainte-Anne à Paris une journée spéciale, baptisée « Retrait social, claustration, Hikikomori, chez l’adolescent et l’adulte jeune ». Une manifestation organisée par l’Institut Mutualiste Montsouris et le GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences. Le terme Hikikomori décrit le fait de s’enfermer à domicile pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Plusieurs milliers de jeunes seraient concernés en France. Que faut-il en savoir ?
Un retrait du monde
Ce phénomène a d’abord été observé au Japon. Selon le Ministère de la santé nippon, un hikikomori est un jeune qui vit cloitré chez lui depuis plus de 6 mois, sans pour autant qu’on puisse l’expliquer par une pathologie mentale comme raison principale. Dans d’autres pays, on considère que ce seuil est de 3 mois.
Il s’agit très majoritairement de garçons, qui n’ont plus d’envie. Une partie d’entre eux passent leur journée devant un écran à jouer en réseau ou à chatter. Internet constitue néanmoins pour certains d’entre eux un moyen de passer le temps, voire de maintenir une forme de lien social. Mais, ce n’est pas une règle.
Certains ont des aberrations alimentaires. Certains ne sont actifs que la nuit. Il s’agit d’un phénomène polymorphe.
Les prémices
La claustration se fait souvent de manière progressive et commence fréquemment par des absences à l’école.
Au début, le processus est subi, puis ces jeunes invisibles finissent par expliquer que c’est un choix. Ils expriment un rejet de la société, avec des arguments comme le refus du culte de la réussite et de rentrer dans un moule. Ils ne voient pas l’intérêt de travailler.
Selon les sociologues, les hikikomoris refusent en quelque sorte le passage de l’adolescence à l’âge adulte.
Des familles désemparées
En général, les parents sont complètement démunis. Ils culpabilisent et n’arrivent pas à expliquer leur situation à leur entourage.
Ils peuvent mettre plus d’un an à chercher de l’aide, car ils ne savent absolument pas à qui s’adresser.
Un défi pour les médecins
De prime abord, les médecins ont du mal à identifier ce qu’ils observent. D’autant plus que les cas d’Hikikomori sont singuliers.
Néanmoins, les spécialistes distinguent d’un côté les Hikikomori dits « Primaires », sans trouble psychiatrique visible, et de l’autre, les Hikikomoris dits « Secondaires », où la conduite de repli est associée à un diagnostic psychiatrique.
A l’absence de nosographie viennent s’ajouter selon le Dr Matthias Moreno (Psychiatre, Praticien Hospitalier au Secteur 3, Pôle 5-6ème arrondissement, Hôpital Sainte-Anne) des freins majeurs à leur prise en charge : l’absence de trouble psychiatrique, l’absence de demande, voire parfois l’absence de souffrance exprimée.
Lors du premier contact, il arrive que le psychiatre se déplace au domicile du jeune, afin de pouvoir évaluer son état de souffrance. Un lien qui doit ensuite être nourri régulièrement.
L'hospitalisation
Lorsque les prises en charges ambulatoires ont échoué, le Dr Moreno a observé que seule une prise en charge institutionnelle, globale et variée, permettait à ces patients de reprendre le cours de leur vie.
L’entrée à l’hôpital, même sous la contrainte, permet au jeune de comprendre qu’il n’y aura pas de retour à domicile. L’idée est de le pousser peu à peu à se trouver un projet d’après hospitalisation.
Néanmoins, il s’agit d’un processus lent, qui explique pour les spécialistes la nécessité d’une approche institutionnelle aussi bien pour l’hospitalisation que pour l’après-hospitalisation. Du côté des parents, il faut aussi savoir qu’il existe désormais des groupes de parole pour partager les expériences et trouver du soutien.
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