L’association a été créée en 1991 et personnellement, je n’en connaissais à l'époque ni l’existence, ni sa fondatrice Caroline Simonds, qui est américaine. Elle a aujourd’hui la double nationalité. C’est elle qui a créé l’association en France, après l’avoir vu fonctionner à New-York. Au départ c’était une toute petite association, mais elle a, petit à petit, fait son chemin tant auprès des médecins et des comédiens clowns, que du côté des sponsors qui lui ont assuré les moyens de fonctionner. Puisque l’essentiel de ce système tel que Caroline l’a créé, s’appuie sur des comédiens professionnels, qui sont payés pour leurs actions auprès des enfants hospitalisés. Il y a tout un système de mécénat et de collecte de fonds qui est très bien monté. Aujourd’hui, l’association compte une douzaine de personnes permanentes salariées et plus d’une centaine de comédiens qui sont venus nous rejoindre et qui interviennent dans un nombre croissant d’hôpitaux : à Paris, en région parisienne et dans d’autres régions de France.
Non, hélas. Les interventions dépendent de la conjonction de différents facteurs : il faut qu’il y ait la possibilité financière de monter un programme, c’est-à-dire disposer de fonds qui permettent de payer le jeu de deux comédiens, car les clowns interviennent en duo, deux fois par semaine toute l’année. Et la conjonction avec la volonté d’un chef de service pédiatrique de voir des clowns intervenir dans son service, ce qui aujourd’hui encore n’est pas toujours gagné. La rencontre de ces aléas fait qu’aujourd’hui, la majorité des actions se font en région parisienne mais il y a également des hôpitaux à Marseille, à Nantes, à Nancy, à Tours ou encore à Angers.
Le Rire Médecin est sans doute l’association la plus grosse dans son genre en France, mais ce n’est pas la seule, loin de là. Heureusement, il y a plein d’associations plus petites qui le plus souvent n’agissent que dans un seul hôpital. Reste que tous les hôpitaux pédiatriques n’ont pas la chance d’avoir des clowns dans leurs services. On peut aujourd’hui estimer que ce sont entre 10% et 15% des enfants hospitalisés qui ont cette possibilité-là.
On pourrait spontanément penser que les enfants qui en ont le plus besoin sont ceux atteints de maladies chroniques ou de maladies graves qui nécessitent un traitement prolongé. Je pense à des cancers, à des tumeurs solides ou à des maladies hématologiques. Or, pas du tout. Bien sûr que nous intervenons dans des services d’oncologie, mais il y a également des services de pédiatrie générale, des services de réanimation, de pneumologie, de neurologie… Toutes les facettes de la médecine pédiatrique sont représentées.
Ce qui est amusant, c’est que même si je suis aujourd’hui président de l’association, je n’avais pas du tout sauté de joie. J’avais reçu Caroline avec ma cadre supérieure. J’ai fini par dire OK, pour essayer, mais avec une certaine circonspection. Je me disais que rigoler et mettre le bazar dans un service de réa, qui est quand même le service où les enfants les plus malades sont regroupés, où certains d’entre eux meurent… Et en fait, j’ai été très vite enthousiaste et convaincu par leur savoir-faire. Ils savent parfaitement prendre la température. On leur donne des infos sur nos petits patients avant qu’ils ne démarrent leurs tours dans les services et bien qu’ils ne soient pas professionnels de santé, ils ont de vraies antennes pour sentir le climat et l’état éventuel de tension du jour. Ce qui leur permet de s’adapter et de faire des choses un peu plus "déconnantes" certains jours et au contraire, avec beaucoup de retenue, un autre jour.
Ils nous font souvent part, dans les verbatims ou les petites lettres qu’ils nous écrivent, de leur enthousiasme et du réconfort qu’ils y ont trouvé. Mais au début, dans la chambre, on voit assez bien à leur tête, qu’ils ne savent pas très bien comment s’adapter à cette situation, même si très rapidement, ils sont complètement retournés par les clowns. Avoir un enfant gravement malade à l’hôpital est une situation très difficile, mais là, bien souvent, ils vont voir leur enfant sourire ou rire aux éclats. Et pour eux, c’est une telle transformation par rapport à l’ordinaire que ça les remplit de gratitude et les soulage. Parce que face à la maladie, la communication est souvent difficile entre les parents et les enfants, chacun essayant de protéger l’autre en quelque sorte. C’est un peu un jeu de poker menteur qui est compliqué et lorsque les clowns parviennent, pendant un temps, à dénouer ces situations-là, c’est véritablement quelque chose de très gratifiant pour tout le monde, pour les parents comme pour les enfants.
Moi, je ne suis qu’un tout petit rouage de l’histoire. J’ai connu le Rire Médecin il y a vingt ans en tant que chef de service, mais je n’en suis président que depuis 2017. En fait tout ce travail de sensibilisation a été réalisé par Caroline Simonds, qui est elle-même comédienne. La première marraine à nous avoir rejoint en 1994 est une de ses amies, Anny Duperrey. Le dernier parrain en date est Reda Kateb, qui a un projet de film sur l’histoire du Rire Médecin. Pendant cette période d'autres comédiens comme François-Xavier Demaison et Gérard Jugnot nous ont rejoints comme parrains. Sara Giraudeau, qui est aussi l’une de nos marraines, a réalisé un remarquable documentaire sur les actions des clowns.