Ce petit saut dans le temps remonte à l’époque des pionniers qui avaient une conception de soins primaires peut-être différente de ce qui était admis au préalable, c’est-à-dire une vision d’intervention séquencée de professionnels de santé différents dans la prise en charge des patients. L’idée de ces pionniers était de créer des équipes pluriprofessionnelles dans la prise en charge de patients, avec son corollaire logique, la création de structures ad hoc
Il y a sans doute un peu de cela aussi. La naissance des maisons de santé est le fruit des percussions entre les problématiques de démographie médicale, des changements sociétaux sur la notion de travail collectif entre professionnels de santé, de la question du temps de travail et des conditions d’exercice, avec une certaine prise de conscience qu’à plusieurs on est toujours plus fort. A partir de là se sont aussi greffés des défis de santé publique et de prévention face à l’accroissement du vieillissement de la population et à l’explosion des maladies chroniques. Maintenant que nous devons aussi faire face à un accroissement de la précarité chez nos patients et à de nouvelles crises sanitaires, nous savons qu’un collectif pluripro est beaucoup plus à même de répondre à ces défis.
Clairement, cela a été un grand changement culturel. Il a fallu le temps que tout le monde fasse sa révolution dans sa tête. Ce n’est pas un hasard s’il y a 4 ans, le thème de nos rencontres nationales à Nantes s’intitulait « Faisons la révolution ensemble ». Il s’agit vraiment d’une modification de l’appréhension de sa profession et de son exercice professionnel qui se trouve intégré dans un collectif.
Bien sûr. Les médecins savent ce qu’ils font, les pharmaciens, les kinés, les infirmiers aussi, bref tous les professionnels de santé connaissent leur métier. En revanche, l’appréhension des champs de compétence des uns et des autres, c’est une découverte pour chacun des membres qui composent l’équipe. De la même manière, il faut aussi évoquer le processus d’adaptation du système de santé lui-même, à travers le législateur et les financeurs, comme l’Assurance Maladie ou les Agences Régionales de Santé. Il y a encore quinze ans, il n’y avait aucun financement, il n’y avait pas de loi, les maisons de santé n’existaient pas, pas plus que les financements spécifiques. Nous sommes passés de l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération à un règlement arbitral puis à un accord conventionnel. Là aussi, il fallait le temps pour que le chemin se fasse.
Schématiquement, il y en a trois : l’équipe de professionnels de santé libéraux qui veulent monter le projet, l’ARS de la région concernée et l’Assurance Maladie. Et depuis environ trois ans, nous assistons à une montée en charge vraiment très importante des maisons de santé. Selon les derniers chiffres dont dispose AVECSanté, entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2021, malgré la crise Covid, 230 MSP se sont ouvertes. Il y a quinze ans, il fallait en moyenne 5 années pour monter un projet de maison de santé, aujourd’hui, le délai se situe entre 2 et 3 ans. Pourquoi ? Parce que les modalités d’accompagnement et d’appropriation du concept de MSP ont été intégrées par l’ensemble des acteurs.
Oui, les choses ont aussi beaucoup évolué à ce niveau-là. Beaucoup des membres des équipes pluriprofessionnelles sont hors-murs. Je prends un exemple. Quasiment toutes les équipes comptent au moins un pharmacien. Et leur officine est rarement dans les locaux de la maison de santé. Ce qui ne les empêchent pas d’être partie intégrante de l’équipe avec qui ils partagent des projets de prévention, ou de coordination et de gestion de parcours de soins des patients.
Dans les zones rurales, il y a beaucoup d’endroits avec une maison de santé en dur et un regroupement physique. Mais avec, à distance, des médecins isolés ou un cabinet infirmier qui font tout autant partie de l’équipe, même s’ils sont situés à 5 ou 10 à km.
Ce qui est vraiment amusant, c’est qu’ils sont un nombre croissant à s’être appropriés le concept de maison de santé et du travail en pluripro. Parfois même, certains nous morigènent gentiment quand ils se rendent compte que nous n’avons pas parlé entre nous de leur situation. Ils n’hésitent pas à nous le faire remarquer. On se fait parfois tirer les oreilles par nos patients. Ce qui prouve qu’eux aussi ont bien intégré le principe de l’exercice coordonné.
Anciennement appelée la FFMPS (Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé), AVECsanté est une association loi 1901 créée en 2008. Ce mouvement est porté par les professionnels de santé adhérents via ses fédérations régionales. Ses valeurs sont la volonté d’exercer en équipe, la pluriprofessionnalité, la proximité, l’innovation, les collaborations avec d’autres acteurs et d’autres organisations territoriales, permettant d’assurer sa part dans la responsabilité populationnelle, l’accès aux soins, l’amélioration de la santé en général pour tous et partout. Son président, le Dr Pascal Gendry est médecin généraliste à Renazé (Mayenne).
Les derniers chiffres
En juin 2021, le ministère de la Santé recensait 1 889 MSP en fonctionnement et 366 projets.