La financiarisation est un processus par lequel des acteurs privés entrent dans un secteur avec comme objectif de rémunérer leur investissement, rappellent les membres de la mission d’information. Et selon les trois sénateurs – Corinne Imbert (apparenté LR), Olivier Henno (UDI) et Bernard Jomier (Place publique) – auteurs du rapport « Financiarisation, une OPA sur la santé ? », les pouvoirs publics gagneraient à agir face à ce phénomène allant croissant. Comme l’analysent les élus de la chambre Haute, le système de soins serait en phase de transition. Entre 2014 et 2023, la santé est le troisième secteur ciblé par les acteurs du capital-investissement, avec 18 % des montants investis, derrière l’industrie (26 %) et les biens et services de consommation (22 %), observent les sénateurs.
La biologie, première concernée…
A l’arrivée, la biologie est aujourd’hui le secteur le plus financiarisé en santé. Entre 2009 et 2021, le nombre de structures juridiques est passé de 2 625 à… 377. Tandis que la rentabilité du secteur est passée de 18 % en 2016 à 23 % en 2020. Les règles encadrant les laboratoires de biologie médicale (LBM) « n’ont pas permis de maîtriser ce mouvement de financiarisation », poursuivent les sénateurs, qui rappellent que durant la crise Covid, les laboratoires de biologie ont vu leur chiffre d’affaires passer de 5,1 milliards d’euros en 2019 à 9,4 milliards en 2021.
…Suivie par la radiologie et les centres de santé
Selon les membres de la mission, entre 20 et 30 % du secteur de la radiologie serait financiarisé. Ce domaine d’activité est porteur, notent les sénateurs. En effet, les détenteurs de cabinets indépendants sont à la recherche de repreneurs. Ils doivent de plus faire face à un besoin d’investissement technologique important et régulier ainsi qu’à une augmentation des coûts liés à l’installation, tandis que le maintien voire la croissance d’activité est garantie de façon mécanique par le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques. Autre phénomène, la tendance au sein de la profession est au regroupement. Les radiologues exercent à 90 % au sein de structures comptant 12,8 salariés en moyenne, constate le rapport sénatorial.
Les 3 000 centres de santé (CDS) français aiguisent aussi les appétits du monde financier. Les sénateurs constatent « une multiplication du nombre de centres dentaires et ophtalmologiques » après la « loi Bachelot » de 2009, qui a supprimé l’obligation d’agrément préalable à la création de ces structures. Les sénateurs s’alarment des « dérives marchandes », qui ont conduit plusieurs de ces centres à « concentrer leur activité sur des actes rémunérateurs à la pertinence contestable ».
Recommandations de régulation
Les sénateurs formulent 18 recommandations de régulation afin « de garantir la primauté des objectifs de santé sur les enjeux financiers ». Comme une meilleure protection du pouvoir décisionnel des soignants au sein des sociétés d’exercice libéral (SEL). Ou le renforcement du contrôle ordinal et juridictionnel, en consacrant dans la loi la notion de « contrôle effectif » sur les sociétés des professionnels qui y exercent.
* Financiarisation de l’offre de soins : une OPA sur la santé ? : https://www.senat.fr/rap/r23-776/r23-776.html