Dr Anna Boctor : Jeunes médecins est avant tout un syndicat qui représente l’ensemble des Médecins, quels que soient leur spécialité, leur mode d’exercice, qu’il soit libéral ou salarié, mais aussi quel que soit leur âge. Cette volonté de pluralité et d’union dans la profession fait partie de notre ADN. À mon sens, c’est ce qui manque cruellement à notre profession depuis trop longtemps et qui a conduit à ce qui arrive aujourd’hui avec la proposition de loi (PPL) transpartisane du député Guillaume Garot, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale et la coercition qui l’accompagne. (Toute nouvelle installation en zone surdotée serait désormais conditionnée à l’aval de l’Agence Régionale de Santé sur la base d’une cessation d’activité. En revanche, dans les zones sous-dotées, cette autorisation serait octroyée de droit NDLR).
Dr Anna Boctor : Déjà, il est très important d’utiliser les bons termes. Utiliser celui de régulation est erroné. Réguler sous-entend que l’on structure quelque chose dont on dispose à profusion et qui part dans tous les sens, pour le rendre plus efficient. Or, aujourd’hui, on parle d’une population médicale qui est en pénurie et réguler une pénurie n’a pas de sens. On manque de médecins sur tout le territoire. Il n’existe pas de zones surdotées. On n'a pas entendu un seul élu local dire qu’il avait trop de médecins dans sa ville ou dire à ses administrés qu’il s’opposerait à l’installation d’un nouveau médecin dans sa commune. Le véritable terme à utiliser que porte cette PPL, c’est la coercition et non la régulation. C’est faire la police et forcer, ce qui est inacceptable pour nous médecins comme pour les patients, parce qu’au mieux cette mesure sera totalement inefficace.
Dr Anna Boctor : La vraie question est presque symbolique. Aujourd’hui dans nos relations avec la société civile, on a atteint un stade où l’image du médecin, pour le législateur comme pour la population, est devenue extrêmement négative. C’est ce qu’il nous faut changer. Il y a une part de responsabilité de la profession médicale elle- même, dont la représentation est très morcelée et divisée. Nous devons être force de propositions pour établir un dialogue constructif entre gouvernants, gouvernés et acteurs de terrain. Mais imaginer lutter contre les déserts médicaux et favoriser l’accès aux soins en s’opposant aux premiers acteurs de santé de terrain que sont les médecins est illusoire. Ce n’est pas la bonne façon de s’y prendre.
Dr Anna Boctor : Aujourd’hui, la problématique majeure pour un jeune médecin, c’est l’accès au foncier. C’est très difficile financièrement, on ne peut pas s’installer seul, et les banques maintenant ne veulent plus prêter aux spécialités médicales cliniques, ce n’est pas assez rentable. Ce qui favorise le processus de financiarisation de la santé avec des jeunes médecins qui peuvent se tourner vers de grands groupes privés qui prendront ces frais à leur charge. Mais qui risquent à l’arrivée d’y perdre leur indépendance.
Dr Anna Boctor : Je ne cesserai jamais de porter ce combat. Il est universel et nous concerne toutes et tous.
Crédit photo : Gabriel Gorgi