Ce médecin professeur d’immunologie et chercheur en biologie préside depuis le mois de décembre le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale face au coronavirus. Rencontre avec le « Monsieur Vaccin » du gouvernement.
Ce Conseil d’orientation que je préside a pour mission de conseiller le Gouvernement sur la stratégie vaccinale à adopter face à la covid-19 tant dans ses aspects scientifiques et médicaux que sociétaux. Nous nous prononçons également sur les aspects qui concernent la communication de cette stratégie vaccinale à destination des professionnels de santé et de nos concitoyens. Ce Conseil est très multivalent, il est composé de treize personnes qui viennent d’horizons très différents : des médecins et des chercheurs spécialistes des vaccins, nous avons deux personnes qui sont également dans le Conseil scientifique présidé par le Pr Jean-François Delfraissy, nous avons des spécialistes des sciences humaines et sociales (philosophes, anthropologues, sociologues, économistes), des représentants de la société civile à travers des membres d’associations de malades et bien sûr, des médecins généralistes, des pharmaciens et des infirmières. L’idée étant d’aborder la question de la stratégie de vaccination sous différents angles et champs de compétences.
Nous avons un principe de deux réunions par semaine, et plus si nécessaire. Je ne vous cache pas que c’est le deuxième cas de figure qui l’emporte. En outre, nous interagissons régulièrement avec les services de l’État, le ministère de la Santé en particulier, les Agences Régionales de Santé et les personnes qui ont des compétences et une expertise dans le domaine de la vaccination. A partir de thèmes précis, nous élaborons nos propositions que nous faisons ensuite remonter.
Tout cela fonctionne parce que les participants interagissent naturellement et sont de bonne volonté. Nous sommes en contact quotidien permanent les uns avec les autres. Nous sommes aussi proches des différentes Agences qui fournissent beaucoup d’informations comme Santé Publique France sur les statistiques de la Covid et des vaccinations, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament sur les éventuels effets secondaires des vaccins ou encore la Haute Autorité de Santé qui nous communiquent leur travail d’évaluation et de recommandations sur les vaccins. C’est un processus de tous les instants.
Pour moi, il y a deux grandes étapes. La première, qui est déjà largement engagée, est d’utiliser les vaccins pour protéger les personnes fragiles, celles qui risquent de mourir ou de développer des formes graves et d’être longtemps hospitalisées.
Ce qui passe par la vaccination des personnes les plus âgées et les plus fragiles, notamment en Ehpad. Elle est d’ailleurs bien avancée, 75% des résidents en Ehpad ont au moins reçu la première dose de vaccin. Cela passe par la vaccination des professionnels de santé et des patients à très haut risque de Covid sévère. Cela représente environ 8 millions de personnes.
Ensuite, l’étape dans l’étape si je puis dire, est d’élargir cette vaccination aux personnes un peu moins âgées, les moins de 75 ans, mais qui sont aussi fragiles. L’objectif est qu’avant l’été, les personnes vulnérables qui souhaitent être vaccinées le soient.
La seconde étape pour l’été, est de passer à la vaccination des personnes qui n’ont pas de risque particulier, les jeunes adultes et les personnes qui ne sont pas malades. C’est une étape très importante, parce que c’est en vaccinant le plus grand nombre qu’on arrivera à réduire la circulation du virus et progressivement à revenir à une vie normale. Mais c’est également une étape différente, parce qu’autant la première catégorie de personnes, pour l’essentiel, est déjà convaincue de l’intérêt de la vaccination, autant les opinions sont davantage partagées dans ce second groupe. Il y aura un vrai effort à faire en termes de sensibilisation et d’information pour emporter l’adhésion du plus grand nombre.
Oui, nous entrons dans une autre étape importante de la vaccination. Nous démultiplions les lieux où les personnes peuvent se faire vacciner. Pouvoir se faire vacciner par son médecin traitant est une très bonne chose, parce que les gens ont confiance en leur médecin généraliste. Cette vaccination va se faire avec un vaccin qui est produit par la société Astra Zeneca. Ce vaccin souffre de quelques critiques injustifiées. Je tiens à rassurer les médecins généralistes et les pharmaciens sur le fait que c’est un bon vaccin. Il protège bien contre la maladie et il permet de réduire considérablement, par exemple, le nombre d’hospitalisations. Médecins et pharmaciens peuvent donc, à la fois pour eux-mêmes et pour leurs patients, être rassurés et convaincants sur le bien-fondé d’utiliser ce vaccin.
Propos recueillis par François Petty
Crédit photo : Benoît Granier