Je suis directrice de l’association Mes Mains en Or, basée à Limoges, que j’ai fondée en 2010 après que ma fille a perdu la vue suite à un cancer de la rétine, un rétinoblastome bilatéral. Nous venons de publier une enquête qui met en évidence les inégalités en matière d’accès à l’information quant aux questions d’éducation à la sexualité pour les jeunes déficients visuels.
Là, elle est en classe de 4ème, donc elle est en effet en plein dans l’âge ado (rires). Mais ce n’est pas la raison. Cela fait longtemps, depuis que je développe des éditions de livres adaptés pour des enfants aveugles, que je m’étais intéressée à la question de l’éducation à la sexualité et de l’information à destination des jeunes déficients visuels. J’avais beaucoup cherché, et à l’époque, j’avais déjà fait le constat que sur ces questions-là, il n’y avait pas grand-chose de disponible pour ces jeunes.
Le premier a été dû à une rencontre d’il y a plusieurs années avec une transcriptrice qui avait fait son mémoire sur le Guide du zizi sexuel de Titeuf**, un coffret qu’elle avait adapté en braille. C’est resté dans un coin de ma tête. Ensuite, j’ai rencontré Laetitia Castillan qui est docteur en psychologie spécialisée dans l’accessibilité des contenus pédagogiques à destination des élèves présentant une déficience visuelle. Je lui ai parlé de ma volonté de monter un projet complet d’éducation à la sexualité des jeunes non-voyants… Et voilà.
Oui, dans notre enquête préalable, l’accompagnement institutionnel est mal défini et hétérogène. 63% des répondants nous ont indiqué qu’il n’y a pas de projet d’établissement relatif à l’éducation à la sexualité. Et si plus de six professionnels interrogés sur dix nous indiquent avoir déjà eu à intervenir sur des problématiques en lien avec la sexualité, seuls 7% déclarent se sentir « tout à fait compétents » pour réaliser ce type d’accompagnement.
Les services ad hoc ont besoin d’outils. Et les jeunes n’ont pas de livres. Nous souhaitons répondre à ces deux problèmes en développant des livres sur des thématiques liées à la sexualité, qui pourront être pris en autonomie par les jeunes et nous souhaitons créer, en co-construction, des mallettes, des kits pédagogiques qui pourraient accompagner les livres et être utilisés par les professionnels dans le médico-social, par les enseignants de l’Éducation nationale, mais aussi par les familles.
Parce que beaucoup des éléments d’information et d’éducation sont basés sur la modalité visuelle. La manière de montrer différents types de vulves et de pénis passent par des schémas, des dessins, des photos… et pour matérialiser cela pour des non-voyants, il faut développer des objets en 3D par exemple. Nous nous sommes fixés deux grands thèmes cette année : la puberté et les règles. On devrait avoir des prototypes finalisés et mis en test pour l’automne. Mais il n’y a pas que ces supports, nous travaillons également à la création de podcasts, qui est un format que les jeunes affectionnent particulièrement.
Pour résumer, le projet que nous portons vise à rétablir une équité sur l’information à la vie affective et sexuelle, dans le but de réduire les inégalités et de contribuer à rendre ces publics moins vulnérables, notamment face aux agressions sexuelles.
*Fondation du Crédit Agricole Solidarité et Développement
**Le Guide du zizi sexuel est un livre écrit par Hélène Bruller et dessiné par Zep, hors-série de la bande-dessinée Titeuf. Il s’agit d’un guide qui a pour but de répondre aux questions des 9-13 ans concernant la sexualité.
Propos recueillis par François Petty
Crédit photo : © Mes Mains en Or