De manière imagée, deux entités complémentaires cohabitent dans le cerveau : le « pilote automatique » et le « cerveau conscient ».
Le pilote automatique : c’est la partie du cerveau qui prend des décisions ultra-rapides mais de manière innée via des raccourcis cognitifs. Ce fonctionnement facilite la vie quotidienne au prix de peu d’efforts.
- 95% de nos prises de décisions quotidiennes sont traitées par lui,
- Certains chercheurs avancent que le cerveau humain prendrait environ 35.000 décisions par jour.
Le cerveau conscient : plus lent, il peut nous permettre de ne pas rester en surface en évaluant tous les aspects d’une décision. Plus flexible, il est utile pour s’adapter à la nouveauté ou l’inconnu. Mais, toute demande énergétique doit être justifiée : cela doit valoir la peine.
8 biais à connaître
Les biais cognitifs peuvent, même si cela n’est pas toujours le cas, nous induire en erreur. À ce titre, le médecin n’a parfois que peu de temps pour établir un diagnostic. Et il doit composer avec les éléments dont il dispose.
Voici quelques biais auxquels vous pouvez être confrontés :
- L’effet tunnel : l’effet tunnel est défini comme toute situation dans laquelle l’attention du professionnel est tellement focalisée sur un objectif, par exemple en cas de gestion d’une complication, qu’il ne perçoit pas certains signaux d’alerte. Or, ces signaux devraient l’amener à modifier son approche, voire à l’arrêter. Le risque mis en avant par la HAS est la survenance d’un évènement indésirable associé aux soins (EIAS).
La HAS a réalisé une première enquête fin 2020 auprès de 1.880 chirurgiens orthopédiques : 1.113 y ont répondu :
- 61% des répondants estiment avoir déjà vécu un effet tunnel ou en avoir été témoin (55%)
- Selon 822 répondants, les principaux facteurs favorisants d’un effet tunnel ont été
- des interventions qui se passent mal (27 %),
- des équipes peu concentrées (17 %)
- et le stress des chirurgiens face à une situation inhabituelle (13 %).
- Le biais de surconfiance : surestimer ses connaissances ou compétences dans un domaine et minorer tout ce que l’on ignore encore.
- Le biais de disponibilité mentale : tirer une conclusion d’après le dernier élément observé dont on dispose aisément sur un patient.
- Le biais de réminiscence : choisir un diagnostic, car il est très présent à l’esprit en raison du souvenir d’une mauvaise expérience.
Exemple : prendre un bronchospasme simple pour une réaction anaphylactique, car on a déjà vécu un cas d’anaphylaxie grave. - Effet de cadrage : se laisser influencer par la présentation initiale pour les déductions ultérieures.
Exemple : après avoir été averti par un confrère que le patient était extrêmement anxieux avant l’opération, attribuer l’agitation postopératoire à sa personnalité plutôt qu’à la glycémie. - Le biais d’inertie : préférer recourir à des habitudes anciennes, alors que des méthodes plus récentes et efficaces existent.
- Le biais d’attribution : juger les patients en fonction de leurs comportements ou de stéréotypes, plutôt que sur des éléments factuels en se basant sur les preuves médicales.
Exemple : un homme sportif se présente aux urgences avec des douleurs thoraciques et les premiers examens sont rassurants. Il est étiqueté sportif et sans comorbidités souffrant de douleurs musculaires. Il sera de nouveau admis pour un infarctus du myocarde le lendemain. - Le biais d’équipe : vouloir conserver l’harmonie au sein de l’équipe, en se rangeant à ce qu’on pense être l’avis de la majorité ou en évitant de contredire un expert ou supérieur hiérarchique.
Un sujet de mieux en mieux identifié
Les exemples cités ci-dessus sont tirés de trois documents :
« Les biais cognitifs aux urgences » de Facteurs humains en Santé.
« L’effet tunnel en santé : comment faire pour en voir le bout ? » de la HAS.
Ils décrivent les moyens d’atténuer ces raccourcis cognitifs. Y être sensibilisé est une première étape pour en prendre conscience. Des pauses peuvent contribuer à réduire la pression temporelle. Il peut être aussi utile de consulter un confrère dans certains cas.
Et, des formations spécifiques, avec des situations concrètes, existent également.