D’abord les chiffres. Selon les derniers résultats de l’étude du laboratoire de psychologie de l’Université de Bourgogne Franche-Comté lancée en 2019 et rendue publique au printemps dernier, 4,7% des vétérinaires ont tenté de se suicider. 4,8% déclarent avoir eu « assez souvent, fréquemment ou tout le temps envie de se suicider (dans les semaines précédant l’enquête). La profession est 3 à 4 fois plus à risque de suicide que la population générale et 2 fois plus à risque que les professions de santé humaine ». Et deux vétérinaires sur dix auraient eu des idéations suicidaires au cours des 12 derniers mois. Quant aux questions de burnout, l’indice d’épuisement émotionnel des vétérinaires est 1,2 fois supérieur à celui des agriculteurs et « 1,5 fois supérieur à celui de l’échantillon de référence de la population générale », alerte ainsi l’enquête réalisée par l’Université de Bourgogne Franche-Comté.
Méthodologie
« Ces résultats concernent le premier volet de l’étude sur la santé au travail des vétérinaires qui nous a été commandée par le Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires (CNOV) et l’Association Vétos-Entraide », explique le pilote et coordinateur de l’enquête, le professeur Didier Truchot, spécialiste des questions de burnout. À noter qu’au niveau international, il s’agit de la première recherche qui prenne en compte à la fois des variables intra-individuelles, ou facteurs de personnalité, et des variables liées à la spécificité du métier. Tandis qu’au niveau national il s’agit également de la première enquête menée à une telle ampleur sur les corrélats du burnout et des idéations suicidaires chez les vétérinaires. La première phase de l’étude globale, qui en comptera trois en totalité s’est déroulée en deux étapes : une pré-enquête qualitative de 39 entretiens menés auprès d’un panel varié de vétérinaires volontaires puis l’enquête proprement dite, quantitative, au moyen d’un questionnaire envoyé à l’ensemble des vétérinaires français. Près de 3 500 ont répondu.
Une enquête en trois phases
« Mais se limiter à une seule étude transversale, ne permet pas de s’assurer du lien de causalité entre les variables, aussi, cette première étape sera prolongée par une étude longitudinale qui permettra de s’assurer que les facteurs de stress perçus au temps 1 sont effectivement associés au burnout recueillis aux temps 2, puis 3 : 91% des répondants au premier questionnaire se sont déclarés volontaires pour participer à cette étude longitudinale », détaille le Professeur Truchot. Le recueil des réponses de la deuxième phase prend fin ce mois de novembre et son analyse devrait donner lieu à une restitution publique au printemps prochain. Tandis que celle de la troisième et dernière phase est attendue pour le mois de novembre 2023.
Profils concernés
Mais au-delà des seuls chiffres, que révèlent déjà les résultats de la première phase de l’étude ? Quel est le profil des vétérinaires les plus touchés par le burnout ? « Les plus atteints sont ceux qui s’occupent d’animaux de compagnie. Parce qu’ils sont sans arrêt confrontés à la douleur d’animaux que leurs propriétaires considèrent un peu comme leur enfant, ou, en tout cas, comme faisant partie de la famille, et ces vétérinaires ont peur de l’erreur face à des propriétaires d’animaux de plus en plus exigeants et parfois agressifs. En outre, ces vétérinaires ont également une charge de travail très importante qui déborde souvent sur leur vie privée. C’est un autre facteur de stress important », analyse le Pr Truchot.